RIP

RIP est une série de collages effectués sur une même planche de Rip Kirby (d’Alex Raymond, un des auteurs les plus influents dans la bande dessinée américaine) : à chaque page, la planche subit de nouvelles manipulations, en feuilleté, à partir de fragments tirés de la série elle-même (les fragments qui se trouve sur la page 1 proviennent de la page 2. Sur la page suivante, on importe des fragments de la page 3 et ainsi de suite), jusqu’à aboutir à des cases totalement éclatées où ne subsistent que des motifs et des bribes d’éléments reconnaissables. Dans cette logique de collage, Henninger a du scanner chaque page à chaque étape de création, avant de rajouter une couche supplémentaire de fragments d’images, de stigmates, détruisant la page précédente et, au final, il n’existe plus qu’un seul collage aux couches multiples. Au fur et à mesure que le livre s’invagine sur lui-même, chacune des pages étant rabattues successivement sur la première page, nous assistons à la création de la dernière page, qui les contient toutes (et qui est en même temps la première page à la base). Cette contamination de motifs, par micro-métamorphoses un peu malades, procède d’une auto-intoxication progressive, puisque les éléments sont prélevés dans le dessin de l’auteur original, Alex Raymond, de sorte que la facture, le style, les modelés et l’encrage typique de la série sont conservés : l’amateur du genre reconnaît Alex Raymond, mais ne reconnaît plus, ou à peine, Rip Kirby. Les images perdent leur qualité narrative, leur vectorisation séquentielle au profit d’un rendu tabulaire. L’ensemble est imprimé sur un papier orange vif, choix que l’éditeur justifie en considérant que cette couleur irradiante provoque une expérience hallucinatoire et immersive. En anglais, le prénom du personnage mis à mal par Henninger, Rip, signifie déchirure. Au final, Rip Kirby est enseveli sous les collages : repose en paix, Rip.

François Henninger est né en 1984 à Thann, en Alsace. Il a étudié la bande dessinée à l’École Européenne Supérieure de l’Image.