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Christophe Terlinden (Techtur, 1998) – 32 pages – 148 x 210 mm

3 s’ouvre sur une case monochrome de couleur caramel qui occupe la moitié droite de la page. Les 24 pages sont occupées par 12 cases monochromes de la même couleur qui occupent la double page. La dernière page montre un homme accroupi au bord de l’étendue monochrome, tenant à la main un tas de grains puisés dans l’étendue qui se révèle être du sable.
Ce qui pouvait paraître non-figuratif jusque-là se révèle éminemment illusionniste (hormis l’illusionnisme de la durée, inhérent à la bande dessinée). Illusionnisme accusé par une vue en plongée sur le personnage accroupi qui affirme d’autant son volume.
La nature du trait qui circonscrit les cases et les formes (comme celles du personnage) devient double. Comme dans une bande dessinée en ligne claire, le trait qui délimite les cases et celui des dessins est égal et constant. Les douze cases des 24 double-pages intermédiaires sont bien délimitées. Mais dans la dernière case, seule l’étendue de sable est cernées d’un trait noir, là où le personnage qui se tient au bord se tient dans le blanc de la page. La première image, à la page une, est donc double aussi : case et étendue de sable.
Par conséquent, la couleur caramel monochrome qui traverse le livre est donc aussi double :
– représentation d’une étendue de sable que l’on parcourerait de gauche à droite, dans le sens de lecture ;
– et étendue de couleur elle-même, de par l’ambigüité de  son statut pendant les 25 premières pages et par sa délimitation ambigue dans le champ de la représentation.

L’œuvre de Christophe Terlinden (1969, Etterbeek, Belgique) est extrêmement variée : photo, vidéo, dessin humoristique, bande dessinée, installation sonore, art graphique et intervention dans l’architecture existante. Il propose des solutions étonnamment simples à des situations (en apparence) complexes, mettant ainsi le doigt sur l’essence d’une problématique, mais sans opter pour un média déterminé. Les interventions simples mais radicales sont la marque de fabrique de Christophe Terlinden et la signature de sa démarche. On pourrait définir la pratique de Christophe Terlinden comme une critique éphémère des institutions, qui s’exprime à travers une démarche ludique de « bricolage ». L’artiste a fondé une « entreprise à caractère constructif« , dénommée Techtur. Son slogan : « pas d’art et pas de tralala ». Le nom Techtur est dérivé du mot architecture « mais mutilé, coupé en deux, ce qui me permet de faire tout ce qui n’est pas de l’art à proprement parler. Des affiches, des pochettes de disque, des caisses ou bancs en bois. La limite est bien sûr ténue. »