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Jean Leclercq (Knock Outsider, 2019) – 440 pages – 170 X 220 mm – quadrichromie – 9782390220169

Quelle que soit l’acception que l’on donne à ce qu’on appelle l’Art brut, intitulé controversé et confus, appelé Folk art ou art outsider ailleurs, dont le champ recouvert demeure flou, catégoriser le travail d’un artiste en fonction de son état mental, de ses capacités physiques, de son parcours académique ou non, ne devrait pas réellement entrer en ligne de compte pour appréhender l’œuvre d’un artiste. Certes, Leclerq s’affranchit des canons qui régissent d’ordinaire les dessins extraits de bandes dessinées dont il s’inspire (Tintin, Lucky Luke, Astérix, Donald, Blake & Mortimer, Bob & Bobette, Michel Vaillant, Tif & Tondu et les superhéros de Marvel-DC) : la perspective, l’anatomie, la composition, l’orthogonalité des cases, la typographie, la mise en couleur, le lien texte/image… Tout ça n’entre plus en compte chez Leclercq qui s’approprie ces images et les réinterprète de façon expressive, avec du crayon noir, du stylo à bille, des crayons de couleur, des feutres et et de la gouache. L’historien de l’art Erwin Dejasse parle de pulsion enfantine, évoquant cette formidable énergie qui nous a tous habités lorsque nous tentions de refaire une couverture de Mickey Parade ou une case de L’affaire Tournesol. Mais les faiseurs d’images et dessinateurs en tout genre n’ont pas eu besoin de s’inscrire dans l’Art brut pour mettre à mal les canons du dessin tels que mis en œuvre dans la bande dessinée classique : Olivia Clavel, Charlie Schlingo, Pierre La Police, Jean-Marc Reiser, George Herriman, Bruno Richard, Gary Panter, Willem, Moolinex, Frédéric Fleury, Teruhiko Yumura, Emiko Shimoda, Suzy Amakane, Isabelle Boinot…
La démarche de Leclercq pourrait davantage s’apparenter à une démarche picturale, plutôt qu’inscrite dans la pratique de la bande dessinée (même si Leclercq est un véritable amateur de bande dessinée), tant les cases de bande dessinée dont il s’inspire constituent un matériau iconographique décontextualisé des planches originales. Les vignettes qu’il sélectionne semblent plutôt faire office de motifs graphiques, elles mettent en scène des figures, épiques ou comiques, non pas dégagées de leurs enjeux narratifs (le lecteur peut encore extrapoler le récit et l’amateur de BD reconnaîtra l’une ou l’autre aventure), mais arrachées à leur intrigue. Leclercq déclare à propos des textes de ses phylactères : Je ne lis jamais. Je dépose les mots (cité par Atak page 23).

Né en 1951 à Esneux (Belgique), Jean Leclercq fréquente depuis 2008 La «S» – Grand Atelier un jour par semaine : le mardi.